L’idéologie spéciste.

L’idéologie spéciste se rattache, elle aussi, à l’obscurantisme des prétendues Lumières, puisqu’elle s’inspire d’une vision de l’homme tout à fait “surfaite”, encouragée, il est vrai, par beaucoup d’autres traditions, y compris ennemies comme la judéo-chrétienne, qui ont conflué avec elle et l’ont fortifiée. Toutes sont d’accord pour développer une “philosophie” raciste de l’espèce humaine qui ne mériterait la qualification de “supérieure” que par ce qu’elle se serait affranchie des servitudes d’une Nature qu’elle aurait appris à domestiquer et à qui elle imposerait légitimement sa Loi. Les “hommes” auraient le droit d’en disposer à leur convenance et à leur profit, sans autre limite que celle de leur propre intérêt qui exigerait une gestion de “bon propriétaire”. Mais leur sauvagerie, leurs convoitises et leur bêtise sont telles qu’ils n’observent même pas le minimum de retenue qui leur permettrait d’utiliser sans fin ce qu’ils considèrent comme une sorte de garde-manger, comme un fonds de ressources que la Providence ou le Hasard auraient créé uniquement pour satisfaire leurs besoins et leurs caprices. Les autres vivants n’ont aucune dignité “en eux-mêmes, aucune raison d’être intrinsèque, aucune finalité “spécifique” ni, bien sûr, aucun droit, sinon celui de se faire trucider.

Ces conceptions primitives, barbares et dégoûtantes, qui se trouvent exprimées dans la bible et dans de nombreux textes dits “religieux”, abaissent l’homme à un niveau bien inférieur à celui des “bêtes” qu’il a réduites en esclavage et à qui il inflige un martyre permanent. Pauvre homuncule qui se prend pour un petit dieu, maître d’une Terre où il s’est installé pour l’exploiter, la piller, la massacrer sans vergogne et en jouir, alors qu’il devait, en tant que dernier fleuron de l’évolution, y installer un règne de concorde et d’harmonie. Oui, il se devait de jouer le Grand Frère de la Création, d’exercer un rôle démiurgique de pro-création continuée et déléguée, d’organisation et de régulation, qui aurait prévenu les “spéciations” défectueuses ou monstrueuses, le pullulement incontrôlé et nocif des individus, l’abominable cycle des entre-dévorations mutuelles que chacun trouve tout à fait normal, sinon bienfaisant, ainsi que ces catastrophes qui ne sont pas aussi “naturelles” qu’on veut bien nous le dire. De manière encore plus positive, son intervention adéquate aurait eu surtout pour but et pour effet d’amener et d’aider les autres êtres vivants et la Terre dans son ensemble à poursuivre leur “évolution”, dans tous les sens de ce terme. Mais non ! Sa Seigneurie le Préhomme, mâle et femelle, se croit tout permis ! J’aimerais savoir de qui il détient le mandat qui l’autoriserait à asservir et à détruire cette planète et ses hôtes. Certainement pas de Dieu, comme l’affirme une certaine lèpre ecclésiastique, qu’elle soit chrétienne, judaïque ou islamique, dont les propos sont blasphématoires et sacrilèges. Car (mais je ne puis malheureusement pas traiter ce point capital) c’est toute une théologie de la Création et toute une perception de Dieu et de sa nature qui sont ici en cause.

Contrairement à tant de discours scandaleux, d’origine laïque ou pseudo-religieuse, il me faut ici déclarer solennellement que la préhumanité sacrifie chaque année des millions d’êtres vivants (et en particulier, d’animaux) non seulement sans en avoir le moindre droit, mais aussi sans aucune nécessité pratique. Rien ne justifie cette répugnante hécatombe. Le préhomme n’en a besoin ni pour se nourrir, ni pour se vêtir, ni même pour se soigner. Les maladies sont , la plupart du temps, des auto-sanctions que l’on se délivre à soi-même à titre d’avertissements salutaires. Elles sont le signe que nous ne vivons pas conformément aux dons et à la mission qui nous habitent et elles ne devraient donc pas exister (pas plus que le gâtisme) si nous étions fidèles et exigeants envers nous-mêmes. Certes, les défaillances (et les pathologies qui en résultent) sont pardonnables, mais la guérison des symptômes ( purement “extérieurs”, car la véritable étiologie est de nature existentielle) peut être obtenue sans recourir aux médicaments sophistiqués et coûteux dont l’efficacité ne saurait, soi-disant, être garantie que grâce à l’expérimentation sur l’animal. Les balivernes dont on nous régale à ce sujet ne sont que bourrage de crâne déversé par certains magnats de la finance et leurs complices étatiques. Les mauvais traitements (j’ai essayé d’en dresser la liste :elle est interminable) que le préhomme fait endurer à ceux qu’il a parfois le culot de désigner sous l’expression de “frères ( !?) inférieurs” ne trouvent donc leur source et leur explication que dans sa cruauté, dans le plaisir qu’il éprouve à tourmenter, à torturer, à tuer. D’une certaine manière, ça se comprend : puisque l’un de ses plaisirs favoris -et peut-être le plus raffiné- consiste à faire souffrir, à supplicier et à éliminer ses semblables, brutalement ou à petit feu, et par tous les moyens imaginables (y compris psychologiques et affectifs), on ne voit pas pourquoi, afin de mettre le comble à sa volupté, il n’étendrait pas aux autres vivants le bénéfice de ses “touchantes “attentions. Tout le “monde” doit en profiter.

Les atrocités sans nombre et sans fin commises au détriment d’êtres sans défense que l’on devrait épauler et protéger au lieu d’en faire les victimes d’un carnage universel constituent sans doute le crime le plus grave perpétré par une préhumanité que l’on serait donc fondé à condamner sans nuances et sans appel, même si elle ne se rendait pas coupable d’un véritable génocide à ses propres dépens..., le plus affreux et le plus répréhensible étant que la quasi totalité des gens, toutes opinions et croyances confondues, ne s’émeuvent en aucune manière de cette horrible boucherie qu’ils trouvent tout à fait normale et même indispensable. Et ils ne pourront que s’esclaffer à la lecture du jugement péremptoire et tellement “excessif” que je porte ici et qu’ils ne manqueront pas d’ imputer à la bizarrerie d’un esprit faux et à un sentimentalisme déplacé.

Mais il est vrai que quelques précisions s’imposent. Mon allusion au “crime le plus grave” ne signifie nullement que j’accorde plus d’importance aux espèces animales qu’à l’espèce humaine, bien au contraire. Ce que je veux dire, c’est que le fait de s’attaquer lâchement, sans aucun motif valable et avec la dernière sauvagerie à des compagnons de vie qui ne peuvent même pas résister aux sévices dont ils sont l’objet implique et entraîne le maintien des hommes dans un état d’arriération et de férocité dont ils se chargent de se faire faire mutuellement les frais et dont chaque jour nous apporte de nouveaux témoignages. Ce qu’il faut considérer avant tout, ce n’est pas la qualité “spécifique” et la dignité plus ou moins élevée de celui qu’on extermine, mais plutôt l’intention, l’état d’esprit, les sentiments et les dispositions de l’exterminateur et, plus encore, les effets dégradants sur lui-même que comportent ses actes , même s’il n’en est pas conscient. Et si l’on veut prendre en compte le statut et la nature des victimes, un rapprochement saute aux yeux. L’exécution en masse des animaux et des végétaux ne peut se comparer qu’aux massacres des innocents (c’est-à-dire des bébés humains ou des jeunes enfants) relatés par l’Ancien et le Nouveau Testament, et perpétrés à l’époque contemporaine. Car il faut malheureusement reconnaître que les adultes n’ont pas le droit à la même compassion, dans la mesure où ils se sont compromis (et c’est le cas de presque tous) avec un système politique, social etc.. abominable qu’ils ont accepté et auquel ils ont collaboré. D’une certaine manière, ils n’ont que ce qu’ils méritent lorsque ce système se retourne contre eux, puisqu’ils sont toujours plus ou moins coupables de complicité.

Où faut-il chercher l’ultime degré de l’abjection et de l’infamie ? Dans l’inconscience, ou plutôt dans la bonne conscience totale qui “accompagnent” les animaux que l’on mène à l’abattoir ou ceux que l’on fait mourir en laboratoire dans des conditions atroces qui devraient briser le coeur du préhomme le plus endurci ? Ou bien dans les “cérémonies” répugnantes des chasses à courre et de la tauromachie au cours desquelles, bien loin de se réfugier dans la honte et le secret des officines, on ose se pavaner dans des “habits de lumière”, exalter un idéal de grandeur, de noblesse et de beauté, s’attribuer des qualités de bravoure face à des animaux dont on a le toupet de prétendre qu’ils “auraient leur chance”, comme si le combat mortel auquel on les contraignait était loyal, se déroulait à armes égales et représentait à leur égard ...une preuve d’amour, comme certains n’hésitent pas à l’affirmer ! Oui, on atteint sans doute ici le comble de l’ignominie et de l’imposture, que pratiquait même l’ancien évêque de Nîmes , heureusement décédé aujourd’hui, aficionado enthousiaste qui, dans une interview au “Monde”, exprimait son faible pour les corridas et son admiration pour les toreros ! Irai-je cracher sur sa tombe ? Une fois de plus, je constate que les termes les plus énergiques sont impuissants à exprimer la perversité criminelle de certaines réalités, ainsi que l’indignation et la douleur qu’elles suscitent en vous.

“L’intérêt” exceptionnel, unique, du spécisme en idées et en actes, c’est qu’il constitue (et j’insiste énormément sur ce point) le test le plus probant qui soit, le plus incontestable, le plus implacable, du primitivisme et de l’inhumanité de la préhumanité. Tous les thèmes que j’ai abordés et que je traiterai encore sont plus ou moins complexes et sujets à controverses. Mais le spécisme, lui, se dresse monstrueusement dans toute la simplicité et dans toute l’évidence de son horreur. Je défie quiconque, s’il a un minimum de bonne foi, de le justifier et de réfuter mes propos. De tels agissements et les discours qui tentent de les cautionner et de les légitimer apportent, sans le moindre doute et de manière indiscutable, la certitude que l’espèce humaine s’est volontairement engluée depuis le Mésolithique dans une dépravation intégrale et jusqu’ici irrémédiable que confirment, s’il en était besoin, tous ses autres comportements.

Source : http://mutations-radicales.org/L-histoire-de-France-3-6.html#sommaire_4